Résumé :
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On pourrait, à partir de l’œuvre de Paul Farellier, comme de quelques autres, dessiner une carte de la vie intérieure des hommes d’aujourd’hui, je n’ose écrire, de celle de leur âme. Frappent alors, leur vitalité, leur entreprise d’interroger le monde, leur fraîcheur du regard - le passé ne leur pèse pas -, leur allure, marquée par un certain ascétisme, et une détermination inavouée à ne pas baisser la garde. Pour mieux appuyer ce constat, on peut dresser la liste de tout ce que la poésie d’aujourd’hui ne dit pas (ou si peu). On ne trouve pas en elle de dimensions morales ou religieuses ; elle a peu de goût pour des batailles idéologiques ou esthétiques ; elle affiche une insensibilité troublante à toute lecture historique qui ordonnerait les œuvres entre avant-garde et classicisme ; elle manifeste une distance avec l’actualité sociale ou politique. Son terrain est donc bien cette terre-frontière entre le proche, l’immédiat et la vie intérieure qui dialogue avec elle-même ou avec ce dehors qu’on appelle faute de mieux, monde ou nature. Et comme pour une eau dont, si on veut lire les fonds, on a besoin d’une surface la plus lisse possible, l’anonymat offre aujourd’hui cette protection heureuse qui permet au poète de mener à bien son travail, au prix certes d’une indifférence et d’un rejet presque explicite. Dans cet ensemble, Paul Farellier est non seulement un guide sûr de la poésie actuelle - lisez et relisez ses articles, recensions, communications - mais son œuvre est également une illustration profonde et généreuse de ce qui se fait aujourd’hui. Une question pour conclure : sommes-nous ceux-là, ces hommes et femmes tels qu’ils se dessinent en creux dans les poèmes de notre temps ? Question d’autant plus légitime que le portrait qui s’en dégage est si éloigné de ce qu’on découvre dans la presse ou via tant de miroirs actuels. Question d’autant plus cruciale que la poésie d’aujourd’hui exprime une forme d’humanisme qu’on finit par croire à l’agonie et dont nous pensons avoir perdu les clefs, pressés par des forces qui nous effraient - et nous sommes si proches de leur céder. À chacun de répondre. Pour ma part je n’ai aucun doute : l’humanisme et la poésie sont vivants. Voilà pourquoi je me suis attaché à l’œuvre de mon ami Paul Farellier et reconnais dans le titre qui la rassemble, « L’Entretien devant la nuit », le reflet du meilleur de la poésie d’aujourd’hui : un mélange de douceur et de complicité entre ceux qui veillent, une inquiétude retenue et assumée, une espérance qui n’ignore pas le vide qu’il lui faut enjamber. »
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