Résumé :
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Quand on considère l'attitude de l'Occident vis-à-vis de l'Afrique pendant la colonisation et particulièrement la politique coloniale française, on imagine difficilement, autour des années 30, un Français déclarant que la culture nègre est supérieure à la culture blanche, que l'acte de changer « un masque ou une statue construite en vue de fins rituelles précises et compliquées en vulgaire objet d'art » à garder dans les musées, est aussi sauvage (sinon plus sauvage) que l'acte des « sauvages » transformant « un poteau télégraphique en flèche empoisonnée. » Un Français l'a, effectivement, fait : Michel Leiris (1901 - 1990). Il s'est distingué non seulement par cette attitude propre au surréaliste qu'il était, mais également par le fait que, contrairement à beaucoup de ces amateurs de la culture nègre qui sont restés des théoriciens, il a été, avec Artaud, une des rares personnes à aller « nager dans les eaux du primitivisme. » Il y est allé dans un cadre officiel en tant qu'« ethnographe », mais aussi, et surtout, pour des raisons personnelles comme la réalisation d'un désir urgent d'aller se relover dans « l'ancestralité magique et primitive, [dans le] vieux fonds de sentiments humains qui est à l'esprit de l'homme comme une matrice et comme une mère. » De ce contact avec la mère résultera dans la vie du poète un changement radical, dû à une tourbillonnante relation entre Leiris et le Négro-africain, dans laquelle le poète sera tour à tour élève, puis avocat, puis simple ami désillusionné. Bien que pleine de paradoxes (les objectifs officiel et personnel étant essentiellement incompatibles), cette relation est si imbriquée dans l'ouvre et dans la vie de Leiris qu'on peut se demander, à juste titre, ce que celle-ci aurait été si l'écrivain n'avait pas effectué ce grand saut dans la négritude.
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