Résumé :
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L'œuvre de Resnais dénote une profonde unité car elle remet en cause les codes de la narration cinématographique traditionnelle, « trop soumis aux péripéties », selon le cinéaste André Delvaux. Le metteur en scène plonge le cinéma dans la modernité en abolissant, dans ses premiers films de fiction, le récit à intrigue et en explorant une réalité aléatoire, construite sur des hasards, des obsessions, des moments incompréhensibles et des scènes non-linéaires. Ces situations font généralement s'entrecroiser différents personnages ou différentes époques dans un même lieu (comme dans La vie est un roman) ou dans un univers volontairement artificiel et théâtral. Cette fusion du théâtre et du cinéma permet de revendiquer l'artificialité du septième art et sa faculté de condensation puis de produire des « expériences », au sens scientifique du terme (procédé défini explicitement par le biais du témoignage du professeur Laborit dans Mon oncle d'Amérique). Elles révèlent, en ce sens, une vérité indicible sur les êtres humains, enfermés comme des animaux dans une cage. Ceux-ci font de leur mieux pour « se débattre dans cette toile d'araignée qu'est l'existence » selon l'expression du comédien André Dussolier. À cette recherche, s'ajoute le travail minutieux de montage qui juxtapose différents espaces et temps pour sonder la mémoire collective et individuelle. Cette technique permet au réalisateur d'illustrer le chaos de l'existence et le flot d'images contradictoires, de souvenirs, de scènes imaginaires et de fantasmes, plus proche de la réalité de l'esprit, consciente ou non, que l'ordre et la régularité voulus par une fiction classique. Cette construction régit la notion de « temps sensible » que l'on retrouve chez Marcel Proust (auteur fétiche de Resnais), en une composition filmique proprement musicale, voire symphonique (très évidente dans des films tels qu'Hiroshima mon amour, Je t'aime, je t'aime et Providence). La polyphonie est un ressort essentiel du cinéma de Resnais et prend plusieurs tonalités : grotesque, comique et dramatique. Jugé cérébral et austère, le cinéaste prend pourtant plaisir à développer une forme iconoclaste, personnelle et ironique de comédie musicale dans ses œuvres tardives comme On connaît la chanson et Pas sur la bouche. Son film Cœurs (2006), écrit par l'homme de théâtre Jean-Michel Ribes, se veut une sorte de synthèse de ses préoccupations artistiques. Son nouveau film Les Herbes folles souligne son inspiration surréaliste et son goût du décalage absurde, de la légèreté et de la fantaisie débridée.
« Je souhaite approcher par le film la complexité de la pensée, son mécanisme interne. Dès qu'on descend dans l'inconscient, l'émotion naît. Et le cinéma ne devrait être qu'un montage d'émotions. »
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